Le prix Seligmann contre le racisme 2014

décerné par la Chancellerie des Universités de Paris, le jeudi 16 octobre 2014, sous la présidence de Monsieur François Weil, Recteur de l’Académie, Chancelier des Universités de Paris,

à Sema Kiliçkaya pour son ouvrage “Le royaume sans racines“, publié en 2013 aux éditions in octavo, a été remis, le 5 février 2015, dans les Grands Salons de la Sorbonne, en présence de M. François Weil et des membres du jury.

Ce livre, bien qu’écrit chronologiquement, fait remonter le temps. Il se conclut sur la « francisation » d’une jeune immigrée révoltée contre elle-même, contre ses parents, sa culture, et qui, en définitive, s’accepte (y compris physiquement) en devenant une passerelle entre ceux qui sont comme ses parents et la culture du pays d’accueil. Cet aboutissement est la conclusion d’un cheminement décrit tout au long du livre. Il dénonce les ravages de l’intolérance, des conflits entre les communautés (alaouites, sunnites, kurdes). Il raconte aussi la rencontre au sein d’un village vertical, une tour de Babel – un immeuble – entre communautés immigrées qui, d’abord méfiantes, finissent par s’accepter, se comprendre et échanger des services et, ce qui est le plus important, des plats cuisinés. À telle enseigne qu’un des rares « vrais » Français qui habite l’immeuble affiche un rejet bougon des Turcs, mais tempère sa xénophobie en admettant que leur cuisine est bonne.

Écrit dès son prologue dans une langue sucrée, épicée, parfumée, jamais ampoulée, souvent surprenante, ce livre familiarise avec l’immigré. Il souligne que les liens qui se créent entre immigrés d’origines différentes sont une manière de partager l’épreuve de l’intégration. Il se lit aussi comme un hommage au pays d’accueil, en dépit de ses défauts, de son climat et de ses habitants. Il donne la parole à la mémoire qui, tels les chœurs de la tragédie grecque, commente de chapitre en chapitre la destinée des héros.
L’originalité du livre tient aussi dans le fait qu’il décrit le destin de l’immigration turque en France, qui n’est pas celle à laquelle on pense en premier. D’ailleurs, les immigrés en Europe sont appelés en Turquie Alamandji (parmi lesquels il y a les Fransawis).

Le lecteur qui connaît les actions de la Fondation Seligmann ne manquera pas d’être frappé par l’hommage rendu par l’héroïne à « Monsieur Larousse », c’est-à-dire au dictionnaire qui lui a permis de faire tant de découvertes. Le bien-fondé de la distribution de dictionnaires à des familles de primo-arrivants est conforté par le récit de cette jeune turque qui souligne qu’avec le dévouement de son institutrice, le dictionnaire a été décisif pour son avenir.

Enfin, il s’agit aussi d’un vrai roman qui captive avec sa façon de raconter ou de suggérer un fait dont la clé est donnée plus tard, à un moment inattendu. C’est le récit de la conquête d’une jeune immigrée par la langue française, de son émancipation grâce à sa volonté de changer pour être elle-même, et qui achève son cheminement en enseignant le « français langue étrangère ».

C’est un livre magnifique !

 

Sema Kiliçkaya reçoit son prix des mains de Pierre Joxe, ancien ministre, président de la Fondation Seligmann, et de François Weil, recteur de l’académie, chancelier des universités de Paris.

Remise du Prix Seligmann contre le Racisme à Sema Kiliçkaya par François Weil et Pierre Joxe

 

Une séance de dédicace s’est tenue à l’issue de la cérémonie.

 Une séance de dédicace s’est tenue à l’issue de la cérémonie